La Vaccination remise en cause

I. Un Acte médical qui a toujours fait débat

Pour quatre raisons :

  • nos sociétés ne sont plus confrontées, ou alors très marginalement, à ces maladies infectieuses, dont on a même tout simplement perdu le souvenir. (Qui se souvient que dans les années 1920 il y avait chaque année, en France seulement, 150 000 morts dues à la tuberculose et 3000 dues à la diphtérie? Et qu’en 1952 aux États-Unis, la poliomyélite, à son apogée, contamina 60 000 personnes : 3 000 en moururent, et 20 000 en restèrent paralysées).
  • les vaccins, comme tous les médicaments, sont susceptibles de provoquer des effets secondaires. Les accidents graves restent cependant rarissimes, inférieurs à 1 pour 100 000 personnes vaccinées, soit moins de 0,001%.
  • ce  risque d’effet secondaire est d’autant moins toléré que le vaccin est un médicament particulier (apparenté à une maladie), administré à un sujet sain, pour le protéger d’une contamination ultérieure et hypothétique.
  • parce qu’un bon nombre de campagnes de vaccination ont eu un caractère obligatoire et étaient donc des décisions politiques, susceptibles d’être contestées sur ce plan.

Les oppositions à la vaccination commencèrent en Angleterre dès le début du XIXe siècle et ne cessèrent jamais, au point qu’en 1895 le législateur permit aux citoyens qui désiraient échapper à l’obligation vaccinale de se prévaloir d’une clause de conscience.

Ces oppositions eurent lieu dans le monde entier, pour des raisons diverses. La France étant un cas particulier, où l’œuvre de Pasteur était un mythe républicain, des oppositions ne commencèrent à s’y manifester que dans la seconde moitié du XXe siècle. Ce retard a été rattrapé,  41% des français ne faisant pas confiance à la vaccination contre un taux international moyen de défiance de 13%.

Cette évolution a essentiellement deux raisons : la mise en cause de la vaccination dans le déclenchement de diverses pathologies, et un ensemble d’arguments qu’il faut examiner.

II. La période actuelle : Les controverses relatives aux effets secondaires

A.  Le vaccin anti hépatite B en France

En France l’hépatite B chronique (qui évolue vers des lésions du foie puis parfois vers la cirrhose puis un cancer du foie), touche 280 000 personnes, dont 1 500 finissent par mourir chaque année. En 1994, conformément aux directives de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la France lance une campagne de vaccination.

Différents cas de sclérose en plaques (une maladie neurologique) furent signalés, suite à cette campagne, et des plaintes furent portées en justice, tandis que les autorités sanitaires lançaient une enquête.

Le 1er octobre 1998, sous la pression médiatique, le ministre de la santé suspendait la vaccination des adolescents.

Dans les années qui suivirent, l’ensemble des études mondiales ont montré qu’il n’y avait pas de corrélation entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. Simplement la campagne de vaccination ciblait de jeunes adultes, ce qui est aussi l’âge où la sclérose en plaques apparaît naturellement dans la population.

Il faut remarquer que ces accusations sont propres à la France, et qu’ailleurs dans le monde cette question ne s’est pas posée.

Ce recul politique des autorités sanitaires françaises a un coût bien réel : chaque année dans les populations qui n’ont pas été protégées se déclarent  environ 1 000 hépatites aigües, 100 hépatites chroniques, et cinq hépatites fulminantes (nécrose du foie nécessitant une greffe).

B. Les adjuvants à base de sels d’aluminium en France

En 1998 un article paru dans la revue médicale The Lancet identifiait une nouvelle pathologie musculaire : la myofasciite à macrophage (MFM), lésion due à la présence de résidus d’aluminium dans le muscle de personnes vaccinées par injection. En 2003 une équipe de Créteil rattacha cette MFM à un syndrome plus large : celui de la fatigue chronique.

Ces études surprirent les scientifiques car l’aluminium était utilisé comme adjuvant depuis 1925, et donc dans des dizaines de milliards de doses depuis cette date, sans que son innocuité ait été mise en cause. D’autant que la quantité contenue dans un vaccin, moins de 1 milligramme, est même inférieure à la quantité à laquelle sont exposés les enfants dans leur environnement (eau de boisson, aliments).

Néanmoins les autorités sanitaires françaises et internationales (OMS) ont lancé différentes études, sans qu’un lien puisse être établi entre la MFM et l’utilisation d’aluminium comme adjuvant dans les vaccins. Il y a sur cette question peut être un doute, et une étude récente de la même équipe de Créteil, menée par le professeur Romain Gherardi semble indiquer que certaines personnes auraient,  pour des raisons génétiques une difficulté à éliminer les sels d’aluminium contenus dans les vaccins.

Des études complémentaires sont nécessaires, mais le rapport avantage/risque de ces vaccins n’est pas remis en cause.

Le remplacement de l’aluminium par un autre adjuvant devra peut-être être envisagé un jour, mais ce serait un processus très long et complexe, nécessitant des années d’études et d’essais, sans que l’on puisse en garantir le succès.

C. Le vaccin ROR au Royaume Uni et l’autisme : le mensonge

En 1998, le Dr Andrew Wakefield publie dans la revue médicale The Lancet une étude où il établit un lien de causalité entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et une inflammation intestinale et l’autisme. Cette étude portait sur huit enfants.

Pendant plusieurs années les médias anglais relayèrent cette inquiétude, omettant de rappeler que des études épidémiologiques portant, elles, sur de larges effectifs, ne constataient pas une augmentation des troubles du développement liée à l’emploi du vaccin ROR.

Le ROR est administré à des enfants de 12 à 18 mois, ce qui aussi l’âge où les enfants souffrant de troubles du développement sont diagnostiqués. Il y a donc effectivement une coïncidence temporelle, mais les études faites n’ont pas mis en lumière une causalité.

En 2004 un journaliste du Sunday Times de Londres révéla que le Dr Wakefield avait, en 1998, été payé 435 643 livres (environ 510 240€) par des avocats représentant des parents qui attaquaient en justice des fabricants de vaccins, sans avoir déclaré ce conflit d’intérêts. En 2009, ce même journaliste du Sunday Times démontra que le Dr Wakefield avait biaisé volontairement les données pour écrire son article. Il s’agissait donc non pas d’une erreur, mais d’une inexactitude volontaire : un mensonge.

La revue The Lancet rétracta l’article, et le Dr Wakefield, radié en Angleterre, partit travailler aux États-Unis.

Cette manipulation frauduleuse n’a pas été sans conséquences. Entre 1998 et 2002 le taux de vaccination contre le ROR est passé de 91,8% à 81% en Angleterre et s’est effondré à moins de 60% à Londres. Le nombre de cas de rougeole a été multiplié par 37 sur cette période (un décès tous les 10 000 cas).

D. Le Thiomersal en Europe et aux États-Unis et l’autisme

Le Thiomersal est un composé antibactérien et antifongique qui contribue à stabiliser les médicaments. Il est utilisé pour éviter la contamination de conditionnements multi doses en vaccination : les doses destinées à plusieurs patients peuvent rester ouvertes sans altération.

En 1999 aux États-Unis on évoqua l’hypothèse d’une corrélation entre l’exposition au Thiomersal et des déficits du développement neurologique chez les enfants.

En 2001 ce produit a été retiré de tous les vaccins à destination pédiatrique aux États-Unis et en Europe.

Au cours des années suivantes, de nombreux travaux scientifiques sous le contrôle de l’OMS et de l’EMA (Agence européenne du médicament) ont établi qu’il n’y avait pas de lien entre le Thiomersal et l’autisme.

Ces mises en cause pour des motifs scientifiques imparfaitement établis que nous venons d’examiner ne sont pas sans incidence sur la politique vaccinale, son coût, et le regain de dangerosité de maladies que la vaccination avait un temps mis en échec.

III. Elle court, elle court, la rumeur…

Au-delà de ces interrogations, légitimes, sur des effets secondaires potentiels de certains vaccins, les réseaux sociaux ont été pris d’assaut par des activistes anti-vaccins. Leurs thèses, pour être fantaisistes, n’en finissent pas moins par instiller le doute et l’anxiété.

Ce qui est fascinant, c’est que cet « argumentaire » hors sol reprend quasi mot pour mot celui des anti-vaccins britanniques d’il y a un siècle. Tant il est vrai que, quelle que soit la cause, un bon militant refuse de se laisser influencer par la réalité.

A. La « sur-vaccination »

Des vaccinations trop nombreuses satureraient et dérègleraient le système immunitaire.

Cette proposition est erronée, pour deux raisons :

D’une part, au cours des vingt dernières années, les vaccins ont évolué et sont devenus plus précis : on estime qu’il y avait il y a vingt ans dans les vaccins prévus au calendrier vaccinal environ 3 000 antigènes. On en est arrivé aujourd’hui à 150.

D’autre part, 3 000 ou 150, cela ne fait pas une grande différence : c’est en permanence à 10 000 milliards de bactéries et de virus qui nous entourent que notre système immunitaire réagit. La «surcharge» crée par les vaccinations est infime.

B. Une vaccination « prématurée »

Les vaccins commencent à être administrés à l’âge de deux mois, ce qui serait trop tôt pour le système immunitaire.

Il est vrai que le nouveau-né bénéficie des anticorps transmis par sa mère par le placenta puis par le lait maternel, mais cette protection diminue progressivement au cours des mois suivant la naissance. Parallèlement le système immunitaire de l’enfant se construit et se renforce au contact des germes présents sur sa peau et dans son tube digestif. A l’âge de deux mois il est tout à fait capable de bénéficier des vaccins prévus par le calendrier vaccinal, vaccins qui peuvent lui sauver la vie (diphtérie, poliomyélite, infections à haemophilus et à pneumocoques qui provoquent des pneumonies et des méningites foudroyantes, et surtout coqueluche).

C.  Des vaccins « déclencheurs de maladies »

Les vaccins déclencheraient les maladies dont ils doivent protéger.

Ce n’est pas le cas. La seule exception pourrait provenir de l’administration d’un vaccin à base d’agents infectieux atténués (voir : 1/III-Le mécanisme de la vaccination) à une personne immunodéprimée. Dans ce cas la vaccination est contre indiquée et on n’y procédera pas.

D. Des vaccinations « inutiles »

Il ne serait pas utile de se vacciner contre les maladies disparues.

Pour qu’une maladie ait vraiment disparu, il ne suffit pas qu’on ait cessé d’en mourir en occident : il faut qu’il n’y ait plus aucun cas humain et qu’il n’y ait pas de réservoir animal (population animale qui porte le germe et qui pourrait réinfecter un humain).

Ce n’est jamais le cas, sauf pour la variole. Baisser la garde dans ce domaine revient à accepter le retour de ces catastrophes sanitaires à moyen terme.

E. L’immunité induite par la maladie serait meilleure que celle du vaccin

Cela peut être vrai pour les maladies infantiles, à condition d’y survivre, bien sûr.

Pour d’autres maladies, où l’organisme n’arrive pas à se débarrasser de l’agent infectieux, ou peut être contaminé par les porteurs sains (hépatite chronique, poliomyélite, par exemple), les vaccins apportent une protection  efficace et durable.

F. Seuls les vaccins obligatoires seraient vraiment utiles

Il n’y a en France, pour l’instant, que trois vaccins obligatoires : diphtérie, tétanos, poliomyélite.

Mais ce classement n’implique pas que les autres vaccins ont moins d’importance. En réalité il s’agit d’un legs historique : jusque vers le milieu du XXe siècle en France, les campagnes de vaccination étaient votées par le Parlement et avaient un caractère obligatoire. La dernière fut celle contre la poliomyélite en 1964.

La société ayant évolué, on a voulu impliquer le patient dans les choix qui le concernent. Mais cette politique d’autonomisation oblige à communiquer avec le patient, et à l’informer de façon efficace, ce qui n’a pas été fait…

Le résultat, cinquante ans plus tard, est que les opposants à la vaccination peuvent prétendre que seuls trois vaccins sont véritablement nécessaires à la protection des enfants.

IV. La France Championne du monde de l’incrédulité : un retour à l’obligation vaccinale

Ou quasiment : en France, 41%  des personnes interrogées ne font pas confiance aux vaccins, ce qui est une proportion énorme pour un pays occidental.

Lorsque les maladies infectieuses sont efficacement combattues par la vaccination, et cessent d’être visibles, le public commence à n’être sensible qu’aux effets indésirables des vaccins. Conséquence du manque de communication des autorités, et aussi de leur perte de crédibilité suite à la gestion inefficace de plusieurs crises sanitaires, les thèses anti- vaccinales ont prospéré et créé le doute.

De sorte que la couverture vaccinale a commencé à baisser. Il y a même eu à partir de 2008 une résurgence de la rougeole, maladie très contagieuse qui ne peut être tenue en échec que si la couverture vaccinale est supérieure à 95%. En 2007 on rapportait à peine 40 cas annuels. A partir de 2008 des milliers chaque année : 24 000 en huit ans, provoquant 1 500 pneumonies graves, 34 complications neurologiques aiguës et 10 décès. De façon plus générale, en France, chaque année depuis dix ans, de cinq à vingt enfants meurent d’absence de vaccination, surtout de rougeole, mais aussi de méningite, de pneumonie ou de coqueluche.

La baisse de la couverture vaccinale a une autre conséquence grave : l’accroissement de la résistance aux antibiotiques, favorisée  par un recours accru à ces médicaments  pour combattre des pathologies que le vaccin aurait évitées.

Face à cette situation dégradée, les autorités sanitaires et politiques (le texte a été voté à une large majorité à l’Assemblée et au Sénat), ont décidé de rendre obligatoires onze vaccins. Ceux-ci figuraient déjà sur le calendrier vaccinal de l’enfant, et on estime que le coût de l’opération sera d’environ 20 millions d’euros. (Cette somme ne constituera donc pas une manne pour les laboratoires pharmaceutiques pour lesquels, de toutes façons, la vaccination ne représente que 2% du chiffre d’affaire.)

Le but est de faire remonter le taux de couverture vaccinale vers 95%, seul moyen de lutter efficacement contre les infections visées. Nous avons vu que ce caractère obligatoire est susceptible de déplaire à une bonne partie de la population. Mais quelle serait l’alternative ?

– Le recueil et la synthèse des informations ont été réalisés par C. Vidal –